Tunisie : répression accrue contre les ONG et inquiétudes régionales sur l’espace civique
La Tunisie connaît une intensification préoccupante des mesures coercitives contre les ONG et défenseurs des droits humains, selon Amnesty International qui décrit une situation devenue « critique ». Arrestations arbitraires, gels de comptes, suspensions judiciaires et enquêtes financières ciblent depuis plusieurs mois les organisations accusées par le pouvoir d’être liées à des financements étrangers « suspects ». Cette pression marque un tournant institutionnel, en rupture avec l’esprit du Décret-loi 88 de 2011, pilier des acquis post-révolution.
L’affaire la plus emblématique concerne six employés du Conseil tunisien pour les réfugiés, poursuivis pour leurs activités d’assistance aux migrants et demandeurs d’asile. Leur procès, déjà reporté, symbolise selon Amnesty une criminalisation croissante du travail humanitaire. Quatorze ONG tunisiennes et internationales – parmi lesquelles l’ATFD, le FTDES, Nawaat et la section tunisienne de l’OMCT – ont également été suspendues pour 30 jours, illustrant un climat de pression systématique.
Depuis 2023, le président Kaïs Saïed multiplie les accusations publiques visant les organisations financées de l’étranger, les assimilant à des acteurs servant des « agendas extérieurs ». Ces déclarations ont été suivies de perquisitions et d’investigations visant au moins douze structures, accentuant la fermeture de l’espace civique.
Cette dérive soulève des inquiétudes diplomatiques, notamment en Europe où la Tunisie est un partenaire clé sur la question migratoire et la stabilité méditerranéenne. L’affaiblissement des contre-pouvoirs risque de fragiliser davantage un pays confronté à une crise économique aiguë, tout en compliquant les négociations financières en cours. Amnesty appelle les autorités tunisiennes à lever les suspensions, à abandonner les poursuites et à mettre fin aux représailles contre les acteurs associatifs.
Avec les informations d’APA News