Algérie – Rapatriement des avoirs : la traque mondiale des milliards de la « Issaba »
Depuis le Hirak de 2019, l’Algérie s’est engagée dans une opération de récupération des avoirs détournés par la « Issaba », l’oligarchie politico-financière de l’ère Bouteflika. Le président Abdelmadjid Tebboune a fait de cette traque un engagement personnel et politique majeur, affirmant que plus de 30 milliards de dollars ont déjà été récupérés, incluant biens immobiliers, entreprises confisquées et avoirs financiers.
Les procès d’anciens hauts responsables – Premiers ministres, ministres et grands patrons – ont révélé l’ampleur d’une corruption systémique. Si plusieurs figures emblématiques sont aujourd’hui incarcérées, leurs fortunes restent en grande partie dispersées à l’étranger, dans des paradis fiscaux, en Europe et en Suisse. Face à cette réalité, Alger a d’abord adopté une stratégie judiciaire frontale : commissions rogatoires internationales, demandes d’entraide et création en 2021 d’un Fonds des avoirs confisqués, destiné à assurer la traçabilité des biens récupérés.
Mais la lenteur des procédures, la double incrimination, les accusations de persécution politique et la complexité de la liquidation des biens ont freiné les résultats. En réponse, l’Algérie a opéré un tournant pragmatique : introduction d’une justice transactionnelle, permettant la restitution des biens en échange d’une suspension des poursuites, et renforcement de la coopération diplomatique.
L’exemple de l’Espagne, qui a restitué à l’Algérie l’hôtel El Palace de Barcelone en 2025, illustre cette nouvelle dynamique. D’autres dossiers restent ouverts en France, en Suisse et au Luxembourg, où des gels d’avoirs et des transmissions de documents judiciaires témoignent d’une pression croissante.
Cette stratégie transforme la diplomatie algérienne en outil de recouvrement financier, mobilisant magistrats, diplomates et partenaires internationaux. Si la totalité des fonds ne sera sans doute jamais récupérée, l’opération envoie un signal politique fort en Afrique du Nord : la fin progressive de l’impunité transfrontalière et l’émergence d’un précédent susceptible d’inspirer d’autres États confrontés à la fuite massive de capitaux publics.
Avec les informations de Afrik