Tunisie : libération de deux humanitaires poursuivis pour aide aux migrants
Deux responsables du Conseil tunisien des réfugiés (CTR), Mustapha Djemali, 81 ans, ancien cadre du HCR, et Abderrazek Krimi, chef de projet, ont été libérés lundi soir après près de 20 mois de détention préventive. Tous deux ont été condamnés à deux ans de prison pour « aide à la migration clandestine », mais ayant purgé l’essentiel de la peine, ils retrouvent la liberté. Trois autres humanitaires jugés dans la même affaire ont bénéficié d’un non-lieu.
Il s’agit du premier procès en Tunisie visant des ONG pour ce motif, alors même que le CTR travaille légalement avec le HCR dans l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile. À l’audience, Djemali et Krimi ont défendu leur action humanitaire, rappelant que leur intervention concernait exclusivement les réfugiés et personnes vulnérables, conformément aux conventions internationales.
Le procès intervient dans un climat de durcissement sécuritaire. Depuis le coup de force de Kaïs Saïed en 2021, plusieurs ONG tunisiennes et internationales dénoncent une régression des libertés publiques. Human Rights Watch a qualifié les accusations d’« infondées », dénonçant une criminalisation croissante du travail humanitaire. Les autorités tunisiennes, elles, accusent régulièrement les ONG d’être des « agents de l’étranger » et de faciliter l’installation de migrants subsahariens, dans un contexte marqué par des politiques migratoires de plus en plus coercitives et des expulsions vers les zones désertiques frontalières.
Cette affaire pourrait raviver les tensions entre Tunis, le HCR, l’Union européenne et plusieurs partenaires africains. L’UE, déjà préoccupée par le traitement des migrants en Tunisie malgré ses partenariats migratoires, pourrait renforcer ses pressions diplomatiques. Les pays d’Afrique subsaharienne, sensibles aux expulsions ayant causé des morts, pourraient également exiger davantage de garanties. Cette décision illustre la fragilisation de l’État de droit et complique l’image internationale de Tunis.
Avec les informations d’Infos Migrants